Schengen et demande d’asile

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1999

Les demandeurs d’asile

Droit de l’UE : La Charte des droits fondamentaux de l’UE garantit le droit d’asile à l’article 18 et interdit le refoulement à l’article 19. L’article 78 du TFUE prévoit la création d’un système européen commun d’asile qui doit respecter les obligations contractées par les États au titre de la Convention de Genève de 1951. Plusieurs instruments normatifs, qui reflètent également la protection contre le refoulement prévue à l’article 33 de la Convention de Genève de 1951, ont été adoptés pour mettre en œuvre cette disposition.
Même si l’article 18 de la Charte garantit le droit d’asile, le droit de l’UE ne prévoit pas de moyens de permettre l’arrivée des demandeurs d’asile. Les individus qui souhaitent demander l’asile dans l’UE sont essentiellement des ressortissants de pays tiers qui ne peuvent entrer sur le territoire de l’UE que s’ils ont obtenu un visa. Comme ils ne remplissent généralement pas les conditions d’obtention d’un visa ordinaire, ils peuvent se trouver contraints de franchir les frontières de manière irrégulière.
L’acquis de l’UE en matière d’asile ne s’applique qu’à partir du moment où la personne est arrivée à la frontière. En vertu de son article 3, paragraphe 1, qui en définit le champ d’application, la directive sur les procédures d’asile (2005/85/CE) s’applique à toutes les demandes déposées sur le territoire des États membres de l’UE, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. L’article 6 précise les détails de l’accès à la procédure en matière de demandes d’asile. En particulier, l’article 6, paragraphes 2 et 5, impose aux États de veiller à ce que, dans la pratique, les personnes aient un accès effectif aux procédures. Les garanties prévues dans la directive ne s’appliquent qu’à partir du moment où les personnes concernées ont accès aux procédures. Elles ne s’appliquent donc pas à ceux qui ne peuvent pas atteindre le territoire, la frontière ou une zone de transit.
En son article 35, la directive sur les procédures d’asile autorise le traitement des demandes d’asile à la frontière. Elle autorise les États à maintenir les procédures aux frontières qui existaient avant décembre 2005, même si celles-ci ne satisfont pas aux garanties qu’elle prévoit à l’égard des demandes déposées à l’intérieur du territoire des États membres de l’UE, sous réserve que soient respectées certaines garanties fondamentales, telles que l’accès à l’information, à un interprète ou à un entretien personnel.
CEDH : La CEDH ne garantit pas un droit d’asile en tant que tel. Cependant, son article 3 interdit de prendre une mesure d’ éloignement qui exposerait la personne concernée à un risque de torture ou de traitements ou peines inhumains ou dégradants, et ce que l’intéressé se trouve à la frontière ou en un autre lieu relevant de la juridiction de l’État. Dans des cas extrêmes, l’éloignement, l’extradition ou l’expulsion peuvent aussi poser problème au regard de l’article 2 de la CEDH, qui garantit le droit à la vie.
L’ancienne Commission européenne des droits de l’homme a examiné plusieurs affaires dans lesquelles des réfugiés étaient dits « en orbite » car aucun pays n’acceptait la responsabilité de les laisser entrer sur son territoire afin que leur demande puisse être traitée.
Exemple : l’affaire Asiatiques d’Afrique orientale  portait sur la situation de personnes qui détenaient un passeport britannique mais n’avaient pas le droit de résider au Royaume-Uni ou d’y entrer. Expulsées des dépendances britanniques en Afrique, elles étaient restées « en orbite ». L’ancienne Commission européenne des droits de l’homme a conclu que, en dehors de toute considération relative à l’article 14 de la CEDH, la discrimination fondée sur la race pouvait, dans certains cas, constituer en elle-même un traitement dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH.

Le refoulement de migrants en haute mer

L’accès au territoire de l’UE et aux États membres du Conseil de l’Europe peut se faire par voie aérienne, terrestre ou maritime. Les opérations de surveillance des frontières réalisées en haute mer doivent non seulement respecter les droits de l’homme et le droit des réfugiés, mais également être conformes au droit international de la mer.
Les activités en haute mer sont régies par la Convention des Nations Unies sur le droit de la Mer, la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) et la Convention SAR (Recherche et Sauvetage). Ces instruments prévoient l’obligation de porter assistance et secours aux personnes se trouvant en détresse en mer. En outre, le capitaine du navire est tenu de débarquer les personnes secourues en mer en « lieu sûr ».
Dans ce contexte, l’une des questions les plus controversées est celle de savoir où débarquer les personnes secourues ou interceptées en haute mer.
Droit de l’UE : L’article 12 lu en combinaison avec l’article 3 du Code frontières Schengen dispose que les activités de gestion des frontières doivent respecter le principe de non-refoulement. Compte tenu de la complexité de la question, l’UE a adopté des lignes directrices pour aider Frontex à mettre en œuvre des opérations en mer . Le Parlement européen a invité la CJUE à se prononcer sur la légalité de ces lignes directrices.
Exemple : dans l’affaire C-355/10 , le Parlement européen a invité la CJUE à se prononcer sur la légalité des lignes directrices relatives aux opérations en mer de Frontex (décision du Conseil n° 2010/252/UE). Ces lignes directrices avaient été adoptées dans le cadre de la procédure de comitologie régie par l’article 5 bis de la décision n° 1999/468/CE sans la pleine participation du Parlement européen. La CJUE les a annulées, tout en déclarant qu’elles devaient rester en vigueur jusqu’à ce qu’elles soient remplacées. Elle a jugé qu’il y avait lieu de suivre la procédure législative ordinaire, où le Parlement joue le rôle de colégislateur, car, premièrement, les règles adoptées comprenaient des éléments essentiels en matière de surveillance des frontières maritimes extérieures et impliquaient, par conséquent, des choix politiques et, deuxièmement, les nouvelles mesures contenues dans la décision attaquée étaient susceptibles d’affecter les libertés individuelles et les droits fondamentaux de la personne. Elle a précisé que le fait que les dispositions figurant dans la Partie II (« Lignes directrices applicables aux cas de recherche et de sauvetage et au débarquement dans le cadre d’une opération aux frontières maritimes coordonnée par l’Agence ») de l’annexe à la décision du Conseil n° 2010/252/CE soient désignées par l’expression « lignes directrices » et qu’il soit indiqué à l’article 1er qu’elles étaient « non contraignantes » ne remettait pas en cause leur qualification de règles essentielles.
CEDH : La Convention s’applique à toute personne « relevant de la juridiction » d’un État membre du Conseil de l’Europe. La CouEDH a jugé en plusieurs occasions  que les personnes pouvaient relever de la juridiction d’un État si celui-ci exerçait son contrôle sur elles en haute mer. En 2012, dans une affaire dirigée contre l’Italie, la Grande Chambre de la CouEDH a énoncé les droits des migrants qui essaient d’entrer sur le territoire européen et les obligations des États en pareilles circonstances.
Exemple : dans l’affaire HirsiJamaa et autres c. Italie , les requérants faisaient partie d’un groupe d’environ 200 migrants, parmi lesquels figuraient des demandeurs d’asile, qui avait été intercepté par les garde-côtes italiens en haute mer tandis qu’il se trouvait dans la zone de recherche et de sauvetage de Malte. Les migrants avaient été renvoyés sommairement en Libye en vertu d’un accord conclu entre l’Italie et la Libye, sans avoir eu l’occasion de déposer une demande d’asile. Leurs noms et leurs nationalités n’avaient pas été consignés. La CouEDH a observé que la situation prévalant en Libye était bien connue et qu’elle était facile à vérifier à partir de différentes sources d’information. Elle a donc conclu que les autorités italiennes savaient, ou auraient dû savoir, premièrement, que les requérants, renvoyés en Libye en tant que migrants irréguliers, seraient exposés à des traitements contraires aux dispositions de la CEDH et ne bénéficieraient sur place d’aucune forme de protection et, deuxièmement, qu’il n’existait pas de garanties suffisantes pour les protéger du risque d’être renvoyés arbitrairement vers leurs pays d’origine respectifs, parmi lesquels la Somalie et l’Érythrée. Elle a ajouté que les autorités italiennes auraient dû tenir particulièrement compte de l’absence de procédure d’asile dans le pays de retour et de l’impossibilité d’obliger les autorités de ce pays à reconnaître le statut de réfugié accordé par le HCR.
La CouEDH a rappelé que le fait que les requérants n’avaient pas demandé l’asile ni décrit les risques qu’ils encouraient en raison de l’absence de système d’asile en Libye n’exemptait pas l’Italie de l’obligation de respecter ses obligations découlant de l’article 3 de la CEDH, et que les autorités italiennes auraient dû vérifier comment les autorités libyennes honoraient leurs obligations internationales relatives à la protection des réfugiés. Elle a conclu que le transfert des requérants vers la Libye violait l’article 3 de la CEDH parce qu’il exposait les requérants au risque de refoulement.

Les recours

En ce qui concerne les recours, la question des garanties procédurales sera approfondie au chapitre 4, tandis que le chapitre 6 abordera les recours en cas de privation de liberté.
Droit de l’UE : Plusieurs instruments, tels que le Code des visas (article 32, paragraphe 3, et article 34, paragraphe 7), le Code frontières Schengen (article 13) et la directive sur les procédures d’asile (article 39), prévoient des voies d’appel et de recours précis. L’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE prévoit également une garantie plus générale. Toute personne qui allègue avoir été victime d’une violation des droits et libertés garantis par le droit de l’Union, y compris s’il s’agit d’une violation d’une disposition de la Charte, doit avoir accès à un recours effectif et en particulier à une « protection juridictionnelle effective » en cas de refus d’accès au territoire ou aux procédures.
CEDH : Toutes les personnes dont l’accès au territoire ou aux procédures peut mettre en jeu des droits garantis par la CEDH doivent, selon l’article 13, avoir accès à un recours effectif devant une instance nationale.